La légende des neuf preux va connaître un immense succès au cours des XIV et XVème siècles en Occident. On retrouve une première liste exhaustive des neuf personnages dans les "Voeux du Paon" de Jacques de Longuyon vers 1310 - 1312. Cette liste va alors se répandre sous des formes d'une incroyable diversité. On retrouve trois autres sources principales traitant du sujet. Il s'agit de "l'histoire des Neuf Preux et des Neuf Preues" de Sébastien Mamerot, composé entre 1460 et 1467 pour son seigneur, Louis de Laval ; du "Triumphe des Neuf Preux", oeuvre anonyme datée de 1487 et d'un manuscrit du XVIIIème siècle, copie d'un manuscrit anonyme original datant du XVème siècle. Le reste de la littérature médiévale qui nous est parvenue ne fait guère qu'énumérer les noms des preux, se contentant de donner une ou deux informations stéréotypées sur les personnages. 

 

  Les personnages sélectionnés proviennent d'une grande variété de sources différentes. Certains sont issus de la Bible, d'autres entretiennent un rapport étroit avec l'épopée ou avec les romans de chevalerie ou encore avec la littérature romanesque courtoise. 

 

  Qu'importe l'origine littéraire des différents héros, tous ont été choisis pour une bonne raison : Ils répondent à un idéal de chevalerie mais aussi au modèle du conquérant militaire, à la fois souverain et guerrier. En effet, les XIV et XVème siècles représentent un tournant dans la conception de l'art de la guerre. L'évolution du matériel militaire tend à rendre la chevalerie inutile. Dés lors, la noblesse perd ce qui la distinguait du peuple sur le champ de bataille. Le culte des héros intervient dans ce contexte où la noblesse essaie tant bien que mal de maintenir des valeurs désuettes, souvenirs périmés d'un passé idéalisé. 

 

  Les neuf preux sont profondément enracinés dans la culture nobiliaire et on retrouve des représentations à leur effigie sur tous les supports artistiques, et en particulier au sein des demeures de la noblesse. Parmi les oeuvres les plus impressionantes qui nous sont parvenues, citons les tapisseries issues des collections privées des Ducs de Bourgogne, les salles des preux des chateaux de Langeais et de Coucy en France et de la Manta en Italie dont les murs sont ornés respectivement de tapisseries, de statues et de fresques à l'image des neuf. Chacune des neuf tours des chateaux de Pierrefondset de Vincennes porte également le nom d'un des preux. 

 

 Mais le domaine auquel le mythe des neuf est le plus étroitement lié reste l'héraldique. Très tôt les hérauts, spécialistes des armoiries, ont attribué des armes aux neuf preux, dans le cas où ils n'en possédaient pas déjà de leur vivant. Pour cette raison, à la fin de chaque notice biographique dédiée à un des neuf, je présenterai succinctement le blason attribué par les hérauts médiévaux à chacun des preux.